installation autour de l’utopie
Sur la demande de Eric Troussicot, commissaire du chantier mobile EVENTO Bordeaux 2011
le Collectif jesuisnoirdemonde
composé pour l’occasion de Sophie Robin, Samuel Enjolras et Eric Blosse,
avec la participation de Florence Lac, et la collaboration pour les plantes de Messieurs Louit, Renard et Troupeau,
de Mme Sylvie Redon, de Mr Raoux et des services techniques de la ville d’Ambès,
de l’équipe du chantier mobile,
Thibault de Gantès, Marie Lemarchand, Jean Luc Petit
le 12 juillet 2011 Parc de Cantefrêne Ambès
Ci-dessous le texte lu par Sophie Robin
pour la présentation du projet du Collectif jesuisnoirdemonde :
« Nous sommes ici pour engager une parole sur un projet rêvé,
une utopie pour la centrale thermique d’Ambès qui est appelée à disparaître.
Saisir ce lieu c’est tout d’abord le comprendre,
l’appréhender dans son entièreté.
Il est inscrit dans un territoire de parcelles, de cultures, de circulations, de productions, de réseaux,
Il sait depuis toujours pouvoir être recouvert,
envahie, traversé, transpercé.
Les bras veineux alimentent le corps, les étendues et au-delà.
La structure du territoire est nourrie depuis toujours du mouvement,
du déplacement,
de l’échange et de la transformation.
C’est ainsi que les industries, au sens littéral, (littoral)
les réseaux, les transports se sont organisés sur la maille originelle.
La propagation est et restera pour l’essentielle horizontale.
L’idée particulière de la vision de ce territoire s’est modifiée avec la transformation de son identification.
C’est ce qu’a permis l’élévation des quatre cheminées de la centrale thermique, parcelle parmi d’autres.
L’idée projetée de ce territoire peut dépendre de la connaissance,
de son histoire, de sa géographie, de sa mémoire,
de ce qu’il représente pour les gens.
Les gens qui l’ont bâtis, qui l’ont fait fonctionner,
les gens qui l’ont côtoyé,
les gens qui sont venus s’installer en proximité,
les gens qui sont partis,
les gens de passage un dimanche,
les gens qui n’en connaissent que les quatre cheminées,
de loin,
un jour de migration,
de départ ou de retour.
L’idée rêvée de ce lieu a une épaisseur qui dépasse le visible.
Il représente au fur et à mesure un désir, une envie, un possible.
Le territoire sur lequel nous sommes aujourd’hui est beau.
Il évoque deux géographies qui se rencontrent, Garonne et Dordogne, formant cette terre de marais.
Deux fleuves qui par la suite ont fait de ce morceau de paysage
un lieu stratégique pour l’installation de l’industrie.
Ce projet est l’opportunité de réinscrire ce lieu par rapport à son paysage.
De substituer le processus en cours, désindustrialisation, par un autre,
un futur envisageable.
Ici, le paysage est histoire de ruptures, de monumentalité et de repères,
plus que de continuités, de glissements et de transition.
Il convient donc d’installer une politesse,
une connivence avec ce site.
Celle-ci passe par le rêve d’une continuité,
un passage qui semble nécessaire pour que cet endroit perpétue son dialogue avec ses parties,
hommes, fleuves, parcelle, végétation, activité, territoire…
Ici le processus utopique se propose de remplacer le processus générique.
Qu’est-ce qui est visible ?
qu’en est il des traces ?
Nous approchons la question de l’échelle d’un lieu
et posons le thème de l’entre-deux
comme manière de faire exister ce lieu.
Ce que nous observons, mais aussi la faculté du rêve
pose la question du temps à prendre.
Nous abordons la question du vivant
comme fragment d’un paysage indécis ouvert au temps.
Le jardin annonce demain,
il accompagne le rêve en portant les symboles.
Ainsi, nous aimerions vous parler d’une rencontre,
d’un mouvement
de ce qui descend – l’industrie –
en même temps que de quelque chose qui monte
et envahie
le vivant
Maintenant voici l’utopie évoquée :
Les cheminées sont détruites après un peu plus de 30 ans d’activité.
Des lumières ballons captifs prennent leur place.
La disparition brutale est ainsi empêchée,
le territoire reste visible aux alentours par ces points hauts maintenus.
Les lumières ballons mettront 30 ans à descendre,
30 années pour venir à la rencontre du sol
où des poches végétales pionnières,
artificiellement mises en place par l’homme,
sont installées sur le site de la centrale.
Des continuités sont imaginées vers la Garonne,
élément géographique repère, charriant le vivant, graine, pollen….
La colonisation végétale commence.
Une limite construite
en bordure, en périphérie, en cadre, contenant l’utopie
elle s’inscrit sur les traces du parcellaire historique,
elle est poreuse, perméable à la végétation, à la faune, aux intrépides.
C’est bien une construction physique
Elle renvoie à l’idée de jardin clos,
terrain concret et mesurable pour le vivant.
Elle donne ainsi l’échelle et la mesure de l’espace investi.
Elle détermine l’espace pour que ce possible existe,
Elle propose une lisière, un entre-deux, un bord qui assure la fin temporaire d’une échelle d’espace et de temps,
celle du lieu, au passage à une autre, celle de la géographie.
Sa matérialité mettra elle-même 30 ans pour disparaitre.
A l’aide de 30 années
la rencontre s’effectuera entre les lumières ballons et le matelas végétal,
entre ce qui descend et ce qui monte,
entre ce qui se construit à l’intérieur
et ce qui gagne de l’extérieur.
Les mouvements coordonnés de la végétation, de la faune,
des hommes venus chaque année
ramener graduellement au sol les lumières ballons,
des aventureux ayant percé la limite ici et là,
façonnent les espaces.
C’est alors bientôt la fin de ce processus
et sûrement le début d’un autre.
L’utopie n’est donc pas un objet fini,
elle est un arrangement, un compromis,
d’un lieu qui s’ouvre au temps.
C’est maintenant ce à quoi nous vous proposons de participer,
Un lieu qui s’ouvre au temps
Dans un premier temps
Il devient
le lieu de la parole. »
Sophie Robin, lecture, mise en scène
Samuel Enjolras, Architecte Paysagiste
Éric Blosse, Scénographie Éclairage
Collectif jesuisnoirdemonde – 12 juillet 2011 –