Photographe : Jean-Baptiste Bucau Modèle : Chloé Hernandez-Camus Costumier : Hervé Poeydomenge Production : by(PLO) 2014
Note d’un(e) tension
« Sur la question du vide. Quand un corps en déplace un autre, celui-ci fait cession de lieu et déplace un autre à son tour, et ainsi successivement. Mais le dernier corps déplacé, où se retire t’il ? dans l’immatérialité ou la région où il ne déplace plus rien. Je me le disais autrefois, si à l’extrémité du monde matériel on étendait son bras, où aurait-on sa main ? […] Eh nous y sommes in ipso vivimus, movemur et sumus. Movemur. Tout avance ou se recule dans son immatérialité où tout est contenu. Et les bords du monde reçoivent perpétuellement quelque nouvelle découpure. » [1]
« So zieh’ ich hin in alle Ferne,
Uber meiner Mütze nur die Sterne » [2]
[3]
Ma Cordélia !
L’étreinte, est-elle une lutte ?
Ton Johannes [4]
« La clarté seule devrait suffire pour rendre heureux. » [5]
« Est sublime la chute retenue
la descente qui remonte
le danseur qui tombe moins vite que nous »[6]
« La lumière du soir, comme une main qui passerait sur les choses afin de les rassurer, de les secourir ; si différente de celle du matin. » [8]
« C’est l’être caché qui donne au rocher la densité de son « là », qui fait que le cœur s’arrête quand fulgure le martin-pêcheur, qui rend notre existence inséparable de celle des autres. À chaque foi, l’émerveillement et la réflexion nous parlent d’une intensité de présence… » [9]
« Ce n’est pas vrai que la beauté du monde puisse un jour se taire ; quelque chose d’invisible, comme derrière le mur, ou quelqu’un ? doit en nourrir le secret […] de l’invisible rapport entre moi et cette ombre incertaine ; de l’impalpable, […] Est-ce que cette lumière m’aveugle, est-ce qu’elle m’ouvre les yeux ? Je crois que je n’ai pas à me le demander, et c’est bien pourquoi elle brille. […] On marche ainsi entre le secret et l’aveu, la retraite d’ombre et le risque, et c’est cette double possession qui est belle. »[10]
« Voûtes, puissances des genoux
Que l’amour pense avec bonheur
Lorsque vous existez debout
Et dans la retenue du cœur »[12]
« Fais un pas d’ombre
transparente
Fais un pas sans images
Descends les marches
Et ne fais pas plus de pas dans le discours
De la lumière »[14]
Les mots des poèmes entre ombre et lumière cherchent les filles pour leur parler.
Ce sont les mots qui mettent en lumière les poèmes qui sont ceux que devraient avoir les filles ?
Ou au contraire
la lumière qui met en mots les poèmes qui sont ceux que devraient avoir les filles… ?
je pense avoir la réponse et c’est ce que je m’efforcerai de mettre en lumière,
en leur parler d’éblouissement, de trou noir, de frontière franchie, du fil tendu sur lequel elles sont en équilibre, de la proximité du vide, d’une ligne de partage, d’une bordure, de doigt posé sur les lèvres, de perpendiculaire et de parallèle, d’un bas et d’un haut, de l’image qui permet l’écoute, de chahuts et de charivaris lumamoureux pour s’enivrer en vains mots pas plus…
21juin 2013
éb
Denis Roche, dans La disparition des lucioles, éditions de l’Etoile, 1982
[1] Joseph Joubert Carnets, I p.604
[2] Goethe, « Freiheit » Et je m’en vais vers les pays lointains, les étoiles seules au-dessus de ma coiffes »
[3] Turner
[4] Sören Kierkegaard dans le Journal du séducteur
[5] Morandi, à propos de, dans Philippe Jaccottet Tâches de soleil, ou d’ombre
[6] Michel Deguy L’affiche 37
[7] Albert Palma, Répétition 3
[8] Philippe Jaccottet Tâches de soleil, ou d’ombre
[9] Philippe Jaccottet Tâches de soleil, ou d’ombre, Georges Steiner à propos d’Heidegger
[10] à propos d’Hölderlin, autour de l’Obscurité, d’après Philippe Jaccottet
[11] Albert Palma, Répétition 4
[12] Henry Bauchau, La pierre sans Chagrin, La nef
[13] Albert Palma, Vagues
[14] Henry Bauchau, La pierre sans chagrin, Le cloitre